« Crime et châtiment » de Dostoievski

classique, Littérature étrangère

Au cours de cette lecture, l’auteur nous imprègne dans l’histoire d’un homme tourmenté [Raskolnikov] et d’une époque sous tension, celle d’avant la révolution russe. D’ailleurs, la question sociale est omniprésente dans ce livre, l’injustice, la pauvreté, le dérangement psychique.

« Tous les hommes sont divisés en êtres « ordinaires » et « extraordinaires ». Les hommes ordinaires doivent vivre dans l’obéissance et n’ont pas le droit de transgresser la loi […] Les individus extraordinaires, eux, ont le droit de commettre tous les crimes et de violer toutes les lois pour cette raison qu’ils sont extraordinaires »

Un étudiant pauvre et fier Raskolnikov décide de vérifier s’il est capable d’un acte qui l’élève au-dessus des gens « ordinaires ». (Qui n’est pas sans rappeler la morale des faibles de Nietzsche dans sa conception du surhomme) Pour ce faire, il tue une vieille usurière – puis la sœur de cette dernière qui se trouvait par hasard sur les lieux du crime. Dostoïevski modifie le complot policier : le nom du meurtrier et le corpus delicti sont connus dès le début. Cependant comme toujours avec l’auteur, le héros ne va pas s’en tirer à si bon compte et l’approche du châtiment est inévitable. Dans sa folie, Raskolnikov rencontre la prostituée Sonya Marmeladova, qui contribue à sa renaissance spirituelle. D’autres personnages viennent se greffer à l’intrigue, et sur le chemin du dénouement, Dostoïevski lance Raskolnikov dans un duel psychologique avec l’enquêteur Porphyre Petrovich (un personnage capital qui vient contrecarrer la supériorité du fort pour la remplacer par la supériorité morale.)

« J’ai seulement insinué que l’homme « extraordinaire » a le droit, pas le droit légal, naturellement, mais le droit moral de permettre à sa conscience de franchir… certains obstacles et cela seulement dans le cas où l’exige la réalisation de son idée […] »

Dostoïevski combine l’intrigue la plus pointue avec des questions philosophiques sur la liberté individuelle qui préfigurent l’existentialisme – et crée l’un des romans les plus importants de l’histoire de la littérature.

Pour analyser l’œuvre, il faut bien évidemment contextualiser, il est bon de savoir que pendant son séjour au bagne, Fedor Mikhailovich a été contraint de communiquer non seulement avec des criminels politiques, mais également avec des criminels dangereux – des meurtriers et des voleurs. En observant ces hommes, l’écrivain est arrivé à la conclusion que l’écrasante majorité des crimes ont été commis par ces personnes sur la base du désespoir. Après l’abolition du servage, de nombreux paysans qui n’avaient pas de moyens de subsistance se sont rendus dans les villes, où ils ont tué et volé.

C’est alors que l’écrivain eut pour la première fois l’idée d’écrire un roman sur la misère morale relatant les conflits internes de ses personnages. Selon le plan, l’œuvre a été conçue comme une confession du héros [Raskolnikov], dans laquelle l’expérience spirituelle du protagoniste a été révélée. Cependant, en écrivant le roman, l’auteur a commencé à se rendre compte qu’il n’était pas en mesure de se limiter aux seules expériences de Raskolnikov – l’intrigue exigeait plus de profondeur notamment pour comprendre ce qui animait l’esprit de cette nouvelle génération biberonnée à l’idéologie occidentale. Après avoir quasiment terminé le roman, Dostoïevski le brûle pour le recommencer par la suite.

L’intrigue de « Crime et châtiment » est donc basée sur la description des raisons du meurtre de la vieille femme, de la mort des victimes de Raskolnikov et de la dénonciation du criminel. Sentant un profond désespoir et une anxiété, tourmenté par le doute et la peur, haïssant ses persécuteurs et horrifié par son acte incorrigible, Raskolnikov regarde plus attentivement qu’avant les gens qui l’entourent, comparant leur sort au sien. La quête de la vérité, des épreuves et des désastres sont inhérentes à Sonya, Dounia et à tous les autres personnages du roman, dont le destin est tout aussi tragique. L’intrigue du roman couvre ainsi la souffrance d’une personne qui « n’a personne vers qui s’adresser ».

Ce n’est pas le monde qui ne convient pas à Raskolnikov, mais seulement sa place dans ce monde, et pour se faire une place, il commet un crime en se soumettant à son idée. Cette idée qui pousse le héros au crime. Il « transgresse » pour le bien des humiliés et des offensés . L’étudiant voit que non seulement lui-même, mais aussi des milliers d’autres personnes dans ce monde sont voués à la faim, à la pauvreté… Toute l’atmosphère des drames, de la souffrance, de l’injustice qui l’entoure éveille la pensée, appelle l’esprit à répondre aux questions: pourquoi cela se produit-il? Que faire? Comment se sortir de cette situation? Comment puis-je aider les gens?
Mais Raskolnikov, en même temps, est un individualiste, plein de mépris pour autrui, il pense que le monde se divise en deux catégories: les êtres ordinaires et les êtres extraordinaires ; à ces derniers, tout est permis. Raskolnikov soutient que pour réaliser son idée.

« il leur faut enjamber même un cadavre, du sang, à mon avis ils peuvent en bonne conscience se donner eux-mêmes la permission de le faire, du reste en fonction de l’idée et de son envergure, notez cela. »

Raskolnikov justifie donc théoriquement son idée « la fin justifie les moyens »

Il se convainc qu’il appartient à la catégorie « la plus élevée ». C’est connu !

« Puisque Dieu est mort tout est permis »

Mais l’image de Raskolnikov se révèle encore plus profondément lorsque, après avoir commis un crime, le protagoniste du roman réalise la portée de son acte – il est devenu un meurtrier, le souvenir du sang sur ses mains l’empêche même d’embrasser ses proches et sa conscience le ronge… Au fil des pages, Raskolnikov se rend compte que la position de Sonya n’est pas meilleure que la sienne, mais elle n’a pas permis à son cœur de devenir amer, elle a conservé la foi en Dieu. Il est à noter que c’est Sonya qui donne grâce à Raskolnikov en l’aidant à avouer son crime. D’ailleurs à ce sujet, le personnage principal [Raskolnikov] est assimilé à Lazare, le personnage biblique. Cet homme a été enterré, mais Jésus l’a ressuscité. Donc Raskolnikov était mort moralement et spirituellement, mais il est revenu à la vie par le châtiment.

En analysant le roman « Crime et châtiment » il devient clair que Fiodor Dostoïevski a présenté sa vision de la manière dont ce problème mondial peut être résolu en Russie. D’une première lecture, on pourrait penser que nous parlons d’un mouvement révolutionnaire et du renversement de l’autocratie, mais l’écrivain a vu un autre développement. Pour lui, il est nécessaire d’améliorer la vie spirituelle du peuple en introduisant la morale chrétienne dans les masses. Dans le roman, Dostoïevski voulait transmettre ses idées chrétiennes, selon lesquelles il faut essayer de vivre moralement, ne pas succomber à l’orgueil, à la luxure et à l’égoïsme. Vivre pour les autres, faire le bien, sacrifier ses propres intérêts pour le bien de la société, voilà ce qu’enseigne l’écrivain. C’est pour cette raison qu’à la fin du récit Raskolnikov vient à la foi, de son âme tourmentée, il gagne l’espoir du salut. En fait, ce sont les principes chrétiens qui peuvent influencer le cœur d’une personne et reconstruire son esprit et son âme. Il faut noter également que la raison de l’augmentation de la criminalité n’était pas seulement dû à la précarité des pauvres, mais a de nouvelles philosophies venant de l’ouest qui est un élément important à prendre en compte et que Dostoïevski s’attelle à analyser dans son roman « Les démons ».

Le concept social du roman est étroitement lié à l’enseignement évangélique de l’amour et du pardon. Tout le roman est imprégné du véritable esprit chrétien et nous fait percevoir tous les événements et actions des personnes qui se déroulent dans la vie à travers le prisme de la possibilité de transformation spirituelle de l’humanité. Dostoïevski réfléchit à la perversité de l’orgueil et montre que le crime ne peut être un gage de grandeur.

« Le crime a été rapide, le châtiment va être complexe et long. Raskolnikov, va connaître le remords et la renaissance seulement parce que le jour où il a demandé publiquement pardon à la terre et au peuple, il a accepté de souffrir. »

Vous l’aurez compris, j’ai été très admirative des questionnements philosophiques que posent cette œuvre. Celui de la morale et de la notion du bien et du mal, le nihilisme, la culpabilité et l’importance du pardon…

C’est pour moi une grande satisfaction d’avoir eu l’opportunité de lire ce livre dans la grande famille des plus beaux classiques.


« crime et châtiment » de Dostoïevski.
Éditions Flammarion.
Traduction et présentation
par Pierre Pascal.

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« Hier, aujourd’hui et demain » de Sophia Loren

Autobiographie

« Le succès à son poids, qu’il faut s’habituer à porter. Et personne ne vous l’apprend : comme toujours, la réponse est en nous. »


Sophia Loren incarne bien plus que le « rêve américain », elle est pour nous, celle qui a propulsé le cinéma italien au devant de la scène internationale . Comment oublier 1962, la consécration, l’Oscar de la meilleure actrice pour le rôle de Cesira dans Ciociara.

Le titre de son livre est un hommage au film de Vittorio De Sica, dans lequel Sophia Loren a joué aux côtés de Marcello Mastroianni, et le sous-titre « Ma vie » est simplement la volonté de l’actrice de se livrer sans fards.

Ce livre est un énorme présent pour sa famille mais également pour tous les admirateurs de l’actrice, qui ont toujours suivi sa carrière avec ferveur et passion, qui a commencé à Rome, où Loren est née sous le véritable nom de Sofia Scicolone. En fait, la mère de Sofi’ a accouché dans une clinique pour mères célibataires de la capitale et quelques jours plus tard, elle est revenue avec sa fille à Pozzuoli, dans le très aimé Naples. Et c’est précisément dans les rues déchirées par la guerre, dans les ruelles et les quartiers dégradés, démolis par la faim et le désespoir que la jeune Sophia commence à faire ses premiers pas, aidée par une mère qui a son propre rêve: le cinéma. Son histoire sincère et profonde nous fait connaître non seulement le Naples de l’époque, mais aussi la Cinecittà; puis les grands acteurs avec lesquels Sophia Loren a joué – Cary Grant, qui est tombé amoureux d’elle, Marlon Brando, John Wayne et bien d’autres …


« En vérité, mon enfance remontait sans cesse à la surface pour m’émouvoir. Même après avoir trouvé ma voie, je ne parvenais pas à oublier ce que j’avais été lorsque, prise entre la faim et la guerre, sans père pour me guider.»


Une autobiographie qui raconte non seulement des épisodes et des succès de la carrière de l’actrice, mais aussi des moments les plus intimes, ceux appartenant au cercle familiale, où elle a joué le rôle de mère et de grand-mère, elle qui a pu grandir et s’accomplir en tant que femme sans la présence d’un père. Loren est une icône du cinéma et de la vie elle-même; une femme qui à partir de rien et avec le seul soutien de sa mère, avec qui elle avait une relation fusionnel est devenue une des plus grandes actrices du monde. Ses amours, ses aventures, ses déceptions et surtout la volonté de ne jamais abandonner sont les points cruciaux de ce livre, qui implique le lecteur et nous ramène dans le temps, vers un passé où beaucoup d’entre nous n’étaient même pas nés. Pourtant, il est inévitable de ressentir cet étrange sentiment de nostalgie, en aspirant à quelque chose que vous n’avez pas et que vous n’avez jamais eu.


« Sans la vie, le conte de fées perd toute sa magie, et vice versa. Le plus beau, c’est de marcher à mi-chemin entre les deux, sans jamais renoncer ni à l’un ni à l’autre. »


Sophia Loren est une diva du passé, mais sa grandeur, son intensité et sa beauté frappent et attirent encore aujourd’hui, car elle-même est un symbole, un signe dont le véritable art peut s’imposer dans le cœur des gens sans jamais le quitter. Hier, aujourd’hui, demain est l’histoire d’une femme qui a marqué notre histoire, qui nous guide sans peur avec un voile de timidité sur son visage dans son petit et grand monde, fait d’art, de cinéma, de famille et d’amour. Le regard de Loren, comme tout ce qu’elle nous a laissé, est éternel.


« Et comme l’a dit George Cukor, aucune beauté ne peut rivaliser avec la conscience et l’acceptation de ce qu’on est vraiment. »


« Hier, aujourd’hui et demain » de Sophia Loren – Editions Flammarion – Traduction Renaud Temperini