Dans le roman de Nabokov, Lolita n’intervient jamais, elle ne s’exprime pas, à aucun moment, il n’est question de ses sentiments. Mais Aujourd’hui Vanessa Springora a décidé de prendre sa plume pour enfermer son bourreau dans ce livre. Cela a assez duré, trois décennies ont passé et il est temps pour notre Lolita de se réapproprier son histoire.
Vanessa Springora confesse le mal-être d’une adolescente en manque de repères et le temps qu’a mis sa blessure non pas à cicatriser entièrement mais à être atténuée par les années et la maturité.
Tout d’abord, nous sommes en droit de nous poser la question de ce qu’est le consentement : domaine moral : acte libre de la pensée par lequel on s’engage entièrement à accepter ou à accomplir quelque chose. Domaine juridique : autorisation de mariage donnée par les parents ou le tuteur d’un mineur. Cependant le « oui » peut se dire pour toutes sortes de raisons, cela n’en est pas moins un abus.
Le consentement est le récit d’une emprise, celle d’un homme de 50 ans sur une jeune fille de 14 ans. Pendant longtemps G. Se servira de sa notoriété pour corrompre son esprit afin d’asseoir son autorité et sa toute puissance. On s’aperçoit très vite, combien il a été facile pour lui d’enrôler sa victime, adolescente en manque de repères, V. est rapidement amoureuse de cet intellectuel encensé par le tout Paris.
« Vers la fin des années soixante-dix, un grand nombre de journaux et d’intellectuels de gauche ont en effet pris publiquement la défense d’adultes accusés d’avoir eu des relations « coupables » avec des adolescents. Et dans le courant des années quatre-vingt, le milieu dans lequel je grandis est encore empreint de cette vision du monde. »
V. l’ingénue tombe alors dans les griffes de cet homme charismatique, éloquent, malin et misogyne, c’est en cela qu’elle trouvera une figure paternelle. Oui mais voilà, G. est un manipulateur doté d’un instinct de prédation rare ; Elle le décrit dans son livre comme un stratège exceptionnel, un calculateur de chaque instant. Toute l’intelligence de cet homme est tourné vers la satisfaction de ses désirs, ce sont les seules motivations qui guide véritablement ses actes. Jouir et écrire.
« Trop jeune et inexpérimentée. Face à lui, l’écrivain et l’intellectuel, je manque cruellement de vocabulaire. Je ne connais ni le terme de « pervers narcissique », ni celui de « prédateur sexuel ». Et G. manie le verbe comme on manie l’épée. D’une simple formule, il peut me donner l’estocade et m’achever. Impossible de livrer un combat à armes égales. »
On ne peut que s’indigner qu’à l’époque, une certaine complaisance pour G.M. et ses écrits régnaient dans le beau monde de l’intelligentsia littéraire et médiatique ! Je découvre avec stupeur que beaucoup de nos écrivains contemporains avaient signé et soutenue une pétition en faveur de la dépénalisation des relations sexuelles entre mineurs et adultes. (Deleuze, Simone de Beauvoir, Sartre, Aragon etc.). Oui car il était interdit d’interdire, mais voilà les questions que je me pose aujourd’hui : a-t-on le droit de tout écrire sans tomber dans la censure ? Peut-on vraiment différencier l’homme de l’écrivain ? Des questions à ce jour sans réponses.
Écrire a été sans doute le meilleur remède pour Vanessa Springora, en écrivant ce récit, elle redevient le sujet de sa propre existence, une histoire qui lui avait été confisqué depuis trop longtemps. Par son récit, celui d’une victime, elle met en lumière certaines problématiques, elle interroge sur le statut de l’artiste, sur son consentement et la complaisance de toute une société face à une pédocriminalité revendiquée dans le monde littéraire de l’époque. Vanessa Springora nous saisit par la puissance de son témoignage et met chacun de nous face à nos responsabilités.
Avec toute sa vérité, c’est un livre indispensable à lire et à faire lire.
Vanessa Springora Éditions Grasset
Tu m’as clairement donné envie de le lire. J’aime ce genre de témoignage bien que j’imagine la difficulté que ça a du être pour elle à vivre puis à écrire. Je note, à lire!
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Tout d’abord merci à toi copine de me laisser un commentaire sur le blog ! Si je peux te donner l’envie de lire , je suis hyper contente de plus, je suis certaine que tu vas adorer ce livre .
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Très bel article ! Je vais le lire très prochainement avec hâte de le découvrir 🙂 De plus, je suis ravie de l’analogie que tu produis d’entrée de jeu avec Nabokov car sans l’avoir lu le résumé de cette histoire de vie adolescente m’a de suite renvoyé à Lolita !
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Personnellement « Lolita » est un de mes romans préférés, Nabokov n’est pas tendre avec son protagoniste ; Ce qui rend le récit acceptable à mon sens . Bien loin de ce que Matzneff a écrit dans ses livres ! Le consentement c’est un livre à lire, histoire d’avoir les deux sons de cloches ! Un face to face !
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Je ne comptais pas le lire car imaginer Matzneff… je risque de vomir… Mais finalement ton article me donne envie de le lire, tant pour comprendre l’ampleur de son emprise que la société dans laquelle tout cela a pu se dérouler.
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Je suis contente alors si tu as pu changer d’avis .
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